Formation et emploi
L’emploi des personnes vivant avec un handicap psychique, ou la poursuite d’une formation, a longtemps été considéré en France comme un objectif inatteignable. Or le travail est un droit, il favorise l'inclusion sociale et améliore l'estime de soi. Il a de plus, quand il est possible et entouré des aménagements et accompagnements adéquats, un intérêt thérapeutique en favorisant le rétablissement.
Handicap psychique et emploi
Le baromètre Unafam 2023 auprès des familles adhérentes montre que seulement que seulement 20,5% de leurs proches, personnes en situation de handicap physique, ont un emploi, davantage en milieu ordinaire (15 %) qu’en ESAT (4%) ou entreprise adaptée (1,5%). C'est deux fois moins que pour l’ensemble des personnes en situation de handicap.
Les parcours des personnes vivant avec des troubles psychiques sont très variables et souvent chaotiques. Suivant l’âge auquel apparaît la maladie, la personne peut voir ses études perturbées et souvent interrompues : le même baromètre indique que la maladie psychique a empêché l’achèvement de la formation de 61 % des personnes. Elle se trouve alors confrontée à un problème d’insertion professionnelle, puis de maintien dans l’emploi si elle a réussi à en trouver un. Si la maladie survient plus tard, la personne déjà en emploi est confrontée au problème du maintien dans l’emploi (5 % des personnes sondées ont été licenciées, 10% contraintes à une retraite anticipée), ou à celui de la réinsertion.
Les difficultés rencontrées proviennent du handicap psychique induit par la maladie. La personne atteinte de troubles psychiques n’a pas de déficience intellectuelle, mais sa sensibilité au stress, sa fatigabilité demande des conditions de travail particulières, notamment un environnement de travail sensibilisé aux troubles psychiques (collègues, supérieur, …) et une adaptation du rythme de travail. La recherche d’un emploi, la préparation de l’accueil de la personne, le maintien dans cet emploi malgré la variabilité de son état et les évolutions de l’environnement nécessitent souvent un accompagnement dans la durée.
Si la personne accepte de faire reconnaitre administrativement son handicap, le parcours peut être aidé dans le cadre général de la politique en faveur des personnes en situation de handicap. Elle peut bénéficier de dispositifs d'orientation, de réhabilitation, de formation. Elle a accès au milieu protégé (ESAT) ou aux entreprises adaptées et peut-être bénéficiaire de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (BOETH). Les employeurs publics et privés ont en effet l'obligation d'employer 6% de personnes en situation de handicap, ou de contribuer, si elles n'atteignent pas ce chiffre, au financement de l'Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH), ou du Fonds d’insertion des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique (FIPHFP). Des achats auprès des Etablissements et Services d’Accompagnement par le Travail (ESAT) ou des Entreprises Adaptées (EA) permettent de réduire les contributions dues à l’Agefiph et au FIPHFP.
Sans reconnaissance administrative du handicap, la personne ne peut bénéficier que des dispositifs de droit commun, ou de dispositifs particuliers, parfois spécialisés handicap psychique, sans financement institutionnels (mécénat, financements locaux hors obligations légales…). Si elle ne peut accéder à un travail, elle peut être accueillie dans un GEM qui lui apportera de la convivialité et les moyens d’une resocialisation.
Définition du handicap
Il existe plusieurs définitions du handicap et l’accès aux droits ne fait pas toujours référence à la même définition.
Selon la loi du 11 février 2005, il s’agit de « Toute personne dont les possibilités d’obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite de l’altération d’une ou plusieurs fonctions physique, sensorielle, mentale ou psychique ». Cette définition n’est généralement pas utilisée quand il s’agit de donner accès à des droits.
La définition ouvrant réellement des droits est celle définissant la qualité de Bénéficiaire de l’Obligation d’Emploi des Travailleurs Handicapés (BOETH).
L’article L5212-13 du code du travail donne la liste des principales catégories :
- Les titulaires d’une RQTH délivrée par la MDPH
- Les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles
- Les titulaires d'une pension d'invalidité attribuée au titre d’un régime de protection sociale obligatoire
- Les titulaires de la carte mobilité inclusion portant la mention « invalidité »
- Les titulaires de l'allocation aux adultes handicapés
Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH)
La Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH) est accordée suite à la demande formulée par la personne à la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH). La décision de RQTH peut être accompagnée d’une décision d’orientation vers une formation en Etablissement et service de réadaptation professionnelle (ESRP) ou vers un Etablissement ou Service d’Accompagnement par le Travail (ESAT). De façon réciproque, toute décision d’orientation vers un ESAT ou vers un ESCRP vaut automatiquement reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. La RQTH permet de bénéficier de l’ensemble des dispositifs d’aides à l’insertion professionnelle des personnes handicapées.
Les titulaires d’une RQTH ne représentent qu’environ la moitié des BOETH. Le formulaire de demande MDPH précise : « Si vous bénéficiez de l’obligation d’emploi, il est inutile de faire une demande de RQTH » C’est partiellement faux car certaines mesures sont accessibles exclusivement aux titulaires de la RQTH (ESAT, EA, dispositif d’emploi accompagné, …).
La personne handicapée est libre de faire valoir ou non sa qualité de travailleur handicapé. La crainte de la stigmatisation peut la pousser à la cacher, mais dans ce cas elle perd les avantages liés à la reconnaissance du handicap qui :
- pour la personne handicapée, peut faciliter l’embauche, permet de mobiliser des aides lorsque le handicap évolue ou qu’il existe des restrictions au poste, d’accéder à des mesures pour favoriser l’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi
- pour les employeurs public et privés, permet de répondre à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, permet un aménagement des conditions de travail, constitue une alerte.
Dispositifs d’orientation
Le travail choisi et adapté aux capacités des personnes est un vecteur de rétablissement. Il doit être encouragé et soutenu pour les personnes qui le souhaitent et dont l’état de santé stabilisé le permet. Les freins sont nombreux et justifient une action vers et avec l’ensemble des acteurs de l’insertion
- Sur les freins personnels, liés à la variabilité et à l’évolution du handicap psychique dans le temps qui sont un facteur de risque et d’échec qu’il faut réduire autant que possible.
- Sur la méconnaissance du handicap psychique, avec son lot d’a priori, d’idées reçues et de peurs irrationnelles, constitue un frein auprès des employeurs, mais peut aussi « fausser » l’interprétation des acteurs de l’insertion.
L’expression des souhaits d’activité doit être analysée et confrontée à leur faisabilité. Deux voies, qui peuvent être conjuguées, sont possibles.
• Le droit commun, porté essentiellement par France Travail et les missions locales. Accessible à tous, il offre des possibilités d’évaluation et d’accompagnement du projet d’accès à l’emploi.
• Le droit du handicap, compense les conséquences des déficiences. La MDPH est décisionnaire d’une grande partie des orientations. Ce droit intègre des acteurs spécialisés (Cap Emploi, ESRP, ESAT, entreprises adaptées…) et peut mobiliser des mesures et prestations spécifiques, dont certaines financées par l’AGEFIPH et le FIPHFP : pré orientation, appuis spécifiques, plateformes d’emploi accompagné (également soutenues par l’Etat)… La clé d’accès est la RQTH et, dans certains cas, les autres conditions pour être BOETH.
Formation
Qualification obtenue incompatible avec les possibilités immédiates ou parcours scolaire erratique lié aux troubles, l’accès ou le retour à l’emploi passe souvent par une phase formation ou à minima de remise à niveau ou de réactivation des connaissances. La variabilité des troubles est une source de difficulté pouvant aller jusqu’à une rupture de parcours. A défaut de pouvoir l’anticiper et pour éviter un échec brutal pouvant avoir des conséquences sévères, une interruption liée au handicap doit pouvoir être amortie par une possibilité de réintégration.
La formation est souvent une étape qui suit l’orientation, les dispositifs de formation suivent la même logique conjuguant deux dispositifs ressources principaux :
- Le droit commun accessible directement (Afpa, université, cours privés, alternance…) ou sur orientation de France Travail, Cap Emploi ou Mission locale (Afpa, Greta, organismes agréés…) souvent à vocation locale ou régionale.
- Le droit du handicap qui repose largement sur des orientations et préconisations de la MDPH : centre de pré-orientation, dont certains spécialisés « handicap psychique », ESRP… mais aussi sur des prestations gérées par France Travail et Cap Emploi, financées par l’AGEFIPH et le FIPHFP.
- Les personnes ayant travaillé peuvent solliciter la formation continue (FONGECIF) sur des critères particuliers, notamment de durée en emploi. L’AGEFIPH peut abonder sur la partie compensation du handicap.
En cas de survenue de la maladie pendant les études, il existe, dans certains établissements de soins, notamment de la Fondation Santé des Etudiants de France, des services soins-études conjuguant les soins psychiatriques de longue durée à la poursuite ou la reprise d'études adaptées.
Emploi accompagné
Depuis parfois plus de 20 ans des dispositifs pionniers ont proposé localement un emploi accompagné sur le modèle « place and train » inspiré des expériences anglo-saxonnes, mais avec des financements locaux sortant du cadre réglementaire.
Ces dispositifs, désormais organisés en plateformes territoriales couvrant l’ensemble de notre pays, ont pour but l’intégration et le maintien en milieu ordinaire de travail des personnes en situation de handicap, notamment celles vivant avec des troubles psychiques, par le soutien et l’accompagnement sans limitation de durée du salarié et de l’employeur. Ils comportent à la fois un accompagnement médico-social de la personne en situation de handicap et un soutien professionnel par un acteur externe (conseiller en emploi accompagné / jobcoach) pour favoriser son l’insertion professionnelle.
Il doit aider la personne à bâtir son projet, faciliter l’intégration dans l’environnement de travail en conseillant les adaptations (durée de travail avec temps partiel si nécessaire, aménagement des horaires...), en sensibilisant le collectif de travail, en soutenant la personne et l’employeur dans les périodes difficiles.
La décision d’admission est faite par la MDPH, éventuellement sur proposition de France Travail, de Cap emploi ou de la Mission locale, si nécessaire en urgence.
Etablissements et Services d’Accompagnement par le Travail (ESAT)
L’accès au travail même en milieu protégé n’est pas possible pour toutes les personnes handicapées psychiques, ni pour chacune d’entre elles, à n’importe quel moment. L’ESAT permet à la personne handicapée de se retrouver dans un environnement structurant d’un point de vue professionnel : respect des horaires, respect des personnes (collègues, hiérarchie, clients…), exécution et suivi de tâches organisées…, ce qui participe fortement à la resocialisation de la personne, et lui permet d’acquérir une image positive d’elle-même et amène à davantage d’autonomie.
Les ESAT sont destinés à des personnes dont le handicap ne permet pas (ponctuellement ou durablement) l’accès au travail en milieu ordinaire. Ils proposent des activités professionnelles ainsi qu’un soutien médico-social et éducatif. L’ESAT relève du milieu protégé : le code du travail ne s’applique pas complètement à ses travailleurs qui ne sont pas des salariés.
L’accès se fait sur orientation de la MDPH, de France Travail ou de Cap emploi, éventuellement accompagnée d’une orientation vers un foyer d’hébergement et/ou un SAVS. C’est la MDPH qui décide du maintien ou de la sortie du travailleur de l’ESAT. La personne peut se voir proposée une période d’essai d’une durée qui ne peut excéder 6 mois, pouvant être prolongée de six mois au plus. La MDPH peut décider, sur demande du directeur d’une mesure conservatoire valable un mois au plus, qui suspend le maintien du travailleur au sein de l’ESAT. Les travailleurs concernés continuent à bénéficier de l’accompagnement médico-social et professionnel de l’ESAT. Ils restent comptabilisés dans l’effectif de l’ESAT.
Il existe environ 1400 ESAT en France proposant 120 000 postes. Les activités proposées concernent tous les domaines économiques mais sont peu axées sur le tertiaire. Il n’y a que très peu de places agréées handicap psychique (5% environ) avec une disparité territoriale très importante. Beaucoup de personnes en situation de handicap psychique sont de facto dans des ESAT agréés pour les personnes présentant une déficience intellectuelle, qui ne sont souvent pas adaptés en terme d’activités proposées et de formation du personnel.
Les travailleurs exercent leurs activités au sein d’ateliers dans l’établissement ou bien « hors les murs » en milieu ordinaire par mise à disposition du personnel de l’ESAT en entreprise. Certains ESAT dits de transition ou hors les murs visent à ce que les travailleurs intègrent le milieu ordinaire après quelques années.
La rémunération du travailleur handicapé est assurée en majeure partie par une aide de l’État (50% du SMIC) à laquelle s’ajoute 5 à 20% financé par l’ESAT. Le travailleur voit cette rémunération complétée par une AAH différentielle.
Entreprises Adaptées
L’entreprise adaptée est depuis 2005 une entreprise ordinaire où les conditions de travail sont adaptées aux capacités des personnes. Le cadre législatif a été modifié par la loi du 5 septembre 2018. Elle emploie au moins 55 % de personnes handicapées. Il y a souvent mixité des handicaps. Les travailleurs ont un salaire minimum du niveau du SMIC, et ils bénéficient d’un CDI. Des détachements sont possibles dans des entreprises par des contrats de prestations sur site. S’il y a une insertion dans le milieu ordinaire, il y a possibilité de réintégrer l’EA (pendant 1 an). Il existe 800 Entreprises Adaptées en France employant 40 000 salariés. L’accès se fait sur orientation de la MDPH et de Cap Emploi / Pôle Emploi.
Dispositifs de l'économie sociale et solidaire
Les dispositifs de l’économie sociale et solidaire (ESS), entreprise d’insertion (EI), ateliers et chantiers d’insertion (ACI), entreprises temporaires d’insertion (ETTI), proposent pour une durée limitée une activité professionnelle à des personnes en difficulté. Il n’y pas nécessité d’orientation par la MDPH.
La personne qui travaille dans ces entreprises, comme dans toute entreprise du milieu ordinaire, peut continuer de percevoir l'AAH, éventuellement plafonnée, sauf si elle a un taux d'incapacité compris entre 50% et 79% associé à une « reconnaissance d’une restriction substantielle et durable d'accès à un emploi » (RSDAE) et travaille à mi-temps (17 h 30) ou plus.
Des compléments d’informations sont à trouver dans le Guide des droits au travail des personnes vivant avec des troubles psychiques.
Mis à jour le 3 octobre 2024