La protection juridique des majeurs vulnérables
"Toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté, peut bénéficier d’une protection juridique" …. " la mesure est destinée à la protection tant de la personne que des intérêts patrimoniaux de celle-ci". - art.425 du Code civil, protection des majeurs.
3 grands principes régissent la protection judiciaire des majeurs
Principe de nécessité
La mesure de protection judiciaire ne peut être ordonnée par le juge des contentieux de la protection qui exerce les fonctions de juge des tutelles depuis le 1er janvier 2020, qu’en cas de nécessité, lorsque le majeur présente une altération de ses facultés et qu’il a besoin de protection (C. civ., art.428)
Principe de subsidiarité
Cette mesure ne doit être ordonnée également que s’il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par la mise en œuvre de mandat de protection future conclu par l’intéressé, par l’application des règles de droit commun de la représentation, de celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et des règles des régimes matrimoniaux ou, par une autre mesure de protection moins contraignantes (C. civ., art. 428 mod. Par L. n° 2019-222, 23 mars 2019 : JO, 24 mars).
Principe de proportionnalité
Cette mesure doit être adaptée par le juge à la situation du majeur.
Le choix de la mesure (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle, habilitation familiale ou mandat de protection future) dépend du degré d’altération des facultés de la personne à protéger et son contenu doit être individualisé en fonction de cette altération (C. civ., art. 428).
Les mesures de protection
La sauvegarde de justice
C’est un régime minimal de protection qui s'adresse à deux types de publics :
- Les personnes atteintes de troubles momentanés et légers de leurs facultés mentales ;
- Les personnes atteintes de troubles plus importants et qui sont dans l'attente d'une mesure de curatelle ou de tutelle
La personne sous sauvegarde de justice conserve le droit d'accomplir tous les actes de la vie civile, sauf ceux confiés au mandataire spécial s'il a été nommé. Toutefois, elle permet au mandataire spécial de contester (soit en les annulant, soit en les corrigeant) certains actes contraires aux intérêts du majeur, qu'il aurait passés pendant la sauvegarde de justice. La sauvegarde de justice ne peut dépasser un an, elle est renouvelable une fois par le juge des tutelles. La durée totale ne peut donc excéder deux ans.
La curatelle
C'est un régime de protection destiné à des personnes qui ne sont pas hors d'état d'agir elles-mêmes mais qui ont besoin d'être assistées et contrôlées de façon continue dans les actes de la vie civile. La curatelle est donc un régime d'assistance. Il existe 3 types de curatelle :
Curatelle simple
La personne protégée est assistée par son curateur concernant les actes de disposition : actes qui engagent son patrimoine (vente/achat d’un bien, emprunt, donation, argent placé…)
En revanche, elle continue d’accomplir seule les actes d’administration ou actes de conservation : actes de gestion courante (ressources, compte courant ; ouverture / maintien des droits ; factures ; souscription d’un contrat d’assurance etc..)
Curatelle renforcée
La personne protégée est assistée par son curateur concernant les actes de disposition et les actes d’administration.
Curatelle aménagée
Le juge fixe précisément les actes que la personne peut faire seule ou avec l’aide de son curateur. La curatelle est ainsi adaptée au plus près des besoins de la personne protégée.
L’habilitation familiale
Elle n’est accordée qu’à un membre de la famille : ascendant, descendant, frère, sœur, époux, partenaire de Pacs ou concubin. Le juge peut désigner plusieurs personnes et il détermine alors les conditions d’exercice de chacune d’elles (actes de disposition / actes d’administration).
La tutelle
C’est le régime de protection le plus lourd pour les personnes qui souffrent d'une altération des capacités mentales et/ou corporelles qui les empêche d'agir par elles-mêmes et qui les oblige à être représentées en permanence pour les actes de la vie civile. Il s'agit d'un régime de représentation.
Concernant les mesures de protection (curatelle / tutelle/ habilitation), le juge fixe la durée, qui ne peut excéder cinq ans. Cependant, il peut décider de la renouveler pour une durée plus longue si l'altération des facultés du majeur protégé perdure ou apparaît irrémédiable.
Tutelle à la personne
Afin d’adapter la mesure de protection à la situation de la personne protégée, le juge peut dissocier la protection des biens et la protection de la personne.
La mesure de protection peut être ainsi divisée en deux et donner lieu à la désignation de deux personnes, l’une pour la protection de la personne, l’autre pour la gestion de son patrimoine, les deux étant indépendants et non responsables l’une envers l’autre.
Le tuteur à la personne aura pour mission l’organisation de la vie quotidienne et la coordination des soins médicaux. Il veillera également à la bonne information et au consentement de la personne protégée lorsqu’elle est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision.
Le mandat de protection future
Le mandat de protection future permet à une personne de désigner à l’avance la personne (mandataire) qu’elle souhaite charger de veiller sur elle et/ou sur tout ou partie de son patrimoine. Un mandat de protection future peut être confié à une personne de la famille ou à un ami proche. Il peut aussi être confié à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs inscrit sur une liste de professionnels assermentés.
Le mandat de protection future pour autrui peut être établi par des parents pour leur enfant en situation de handicap. Il est obligatoirement notarié. Il permet à des parents d'organiser par avance la protection de leur enfant qui ne peut pourvoir seul à ses intérêts en raison de son handicap, lorsqu'ils ne pourront plus le faire.
Ces mesures représentent une réelle protection contre le risque de précarité des personnes en situation de handicap mais cette protection ne doit pas pour autant devenir aliénante.
La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la Justice réaffirme les principes fondamentaux de la protection juridique des majeurs qui sont la nécessité, la subsidiarité et la proportionnalité. La mesure doit être proportionnée et individualisée en fonction du degré d'altération des facultés personnelles de l'intéressé. Une évolution des pratiques est attendue afin que les personnes protégées puissent davantage participer aux décisions ou au moins être consultées, informées et conserver ainsi une place d’acteur.
Textes de loi et références
- Loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la Justice
- Loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs
- Code Civil : article 425 et 428, protection des majeurs
- Loi du 3 janvier 1968 portant réforme du droit des incapables majeurs
- Loi du 18 octobre 1966 relative à la tutelle aux prestations sociales adultes dite TPSA.
Mis à jour le 1 août 2023