Lettre de la Présidente : « Les Héros de leur Vie »
30 janvier 2024
Lettre de la Présidente
Beaucoup d’injonctions nous rattrapent. « Il faut faire ceci, il faut faire cela... mais ne pourrions-nous pas juste être ? ». Cette question, posée par Julia Boivin, une formatrice paire qui se rêve en anti-modèle, nous interpelle.
Comment respecter la singularité de chacun, sans laisser la personne dans sa solitude « il n’a qu’à faire l’effort s’il veut avoir du lien social », dans sa précarité « il pourrait bosser quand même ! », dans sa souffrance « il n’a qu’à se soigner ! », dans sa situation de handicap « nul besoin de penser spécificité du handicap, la société est inclusive ! » ?
Ces injonctions culpabilisantes génèrent de la souffrance chez nos proches et ceux qui les accompagnent. Alors que le moule de la normalité les rattrape tous les jours, ils se savent différents et se voient trop souvent comme des anti-héros de leur vie.
L’air du temps est propice à promouvoir la capacité d’agir, mais comment en faire un « plus » sans en faire une injonction ? Convaincre qu’il n’y a pas de normalité mais une singularité. Cette singularité nous fait citoyen. Mais, pour la vivre, il faut avoir une voix, que cette voix puisse être entendue, il faut avoir le droit de se tromper, la possibilité de faire des choix. En ce début d’année, nous sommes dans une phase politique particulière. Nous allons reprendre notre bâton pour porter nos plaidoyers vers les nouveaux ministères. Plus de 3 millions de personnes vivent avec des troubles psychiques sévères impactant leur quotidien, plus de 4,5 millions d’aidants les accompagnent. La psychiatrie est exsangue, mais il se bâtit ça et là un avenir. Les nombreux projets déposés dans le cadre du fonds d’innovation organisationnelle en psychiatrie en sont le témoignage. La feuille de route santé mentale se décline, les projets territoriaux de santé mentale se concrétisent au travers des contrats locaux de santé mentale, les décisions prises lors des assises se mettent en place. Mais pour trop de personnes sur les territoires, sur le dernier km, rien ne change. Quant à la compensation du handicap psychique, il reste désespérément « invisible ».
Usagers et familles, acteurs de la santé mentale, mobilisons-nous pour faire de la santé mentale et de la psychiatrie une grande cause nationale. Que ceux qui vivent avec des troubles psychiques et ceux qui les accompagnent puissent être reconnus comme des héros de leur vie.
■ Marie-Jeanne Richard, Présidente