Lettre de la Présidente : "Faire équipe n’est pas nuire"
3 juin 2024
Lettre de la Présidente
Nos mères ont vécu le stigmate de mères pathogènes, puis avec la désinstitutionalisation, de familles à exclure nous sommes devenues "aidants familiaux" à éduquer.
Aujourd’hui, après une période psychanalytique que nous pensions derrière nous, nous voyons fleurir une nouvelle littérature très culpabilisante "les familles nuisibles".
• Quand aider devient nuire : implications de l’accommodation familiale sur le rétablissement
• Quand aider devient nuire : une compréhension des implications de l’accommodation familiale sur l’efficacité des interventions psychologiques dans le TOC
Un nouveau concept se répand : l’accommodation familiale. "L'accommodation familiale étant définie comme le processus par lequel les membres de la famille participent aux symptômes d'une personne souffrant de trouble mental et modifient leurs routines personnelles ou familiales en raison des problèmes de santé mentale de leur proche". En corolaire "Mieux comprendre l’accommodation familiale et en tenir compte dans l’ensemble des pathologies psychiatriques paraît essentiel à l’avenir afin d’augmenter l’efficacité des propositions de soin."
Alors que la psychiatrie est en panne, que nos proches font face à des délais d’attente toujours plus longs et qu’ils en meurent, alors que de nombreuses situations partagées dans nos accueils révèlent une non-écoute des familles, une maltraitance des personnes souffrant de troubles psychiques, alors que nous vivons l’abandon des personnes perdues de vue faute d’une organisation et de ressources humaines dans les CMP, alors que l’efficience des soins n’est pas au rendez vous (cf notre baromètre 2023)… ne jetons pas l’opprobre sur les familles.
Avant de former les parents pour gagner en efficacité, la communauté soignante doit se former aux bonnes pratiques pour prodiguer des soins de qualité au bon endroit au bon moment. Non il ne suffira pas de former les familles pour réduire par 2 les tentatives de suicide de leur proche voir supprimer le surrisque suicidaire dans la schizophrénie !
L’Unafam dénonce cette charge mentale mise sur les épaules des familles. Elles vont souvent chercher très loin dans leurs ressources parce que leur proche ne reçoit pas de soins de qualité dispensés selon les bonnes pratiques internationales et que les compensations liées au handicap ne sont pas mises en place. Alors oui, elles sont fatiguées et leur propre santé est mise en danger par l’absence d’une stratégie, accompagnée de moyens à la hauteur des enjeux, en psychiatrie et santé mentale.
Trop c’est trop. L’Unafam dénonce cette dérive stigmatisante qui ajoute de la souffrance à la souffrance alors que le système exige plus que jamais que les familles pallient l’absence de soins et du prendre soin. Dans ces conditions, garder la "bonne distance" est un véritable défi que chaque jour nous relevons.
Nous ne sommes pas des marionnettes à qui le "psy" vient dire ce que nous devons faire ou ne pas faire, parfois dans la même phrase. Soutenir l’entourage n’est pas l’éduquer !
Il est l’heure de travailler ensemble et de mener un combat commun pour dénoncer la dégradation de la psychiatrie et l’absence de réponses sociales et médicosociales aux attentes des personnes concernées et de leur famille.
Merci aux acteurs du sanitaire, du social et du médicosocial qui s’engagent avec nous pour soulager la souffrance de ceux que nous aimons, dans une écoute bienveillante de l’entourage.
Merci à vous, les bénévoles, pairs-aidants associatifs qui depuis 60 ans avez fait bouger les lignes pour une reconnaissance juste de la place des familles selon le concept des trois P : faire équipe Patients / Proches / Professionnels.
Non, les échecs du soin ne sont pas dus aux familles et les réussites aux soignants !
■ Marie-Jeanne Richard, Présidente